La réorganisation attendue du nucléaire français (20 août 2010)

Un Conseil de Politique Nucléaire s’est tenu à l’Elysée le 27 juillet. Les conclusions ont paru assez claires avec, sans le dire, un retour à des fondamentaux oubliés depuis longtemps de sorte qu’a priori, il n’apparaissait pas nécessaire de revenir ici sur ce sujet ni sur les principales recommandations du rapport ‘Roussely’ dont il marquait l’aboutissement.

Cependant, prenant le relais de la presse, des commentateurs de tout poil, dont certains peu avertis du sujet et d’autres de parti pris, ne se privent pas d’alimenter Internet dans des blogs où la fantaisie se mêle à la désinformation, de sorte que nous croyons utile de souligner ce qu’il en est réellement.

De quoi s’agissait-il le 27 juillet ? Tout simplement de faire suite à une demande du président de la République en date d’octobre 2009 (donc antérieure de deux mois à l’échec d’Abou Dhabi) désireux de permettre à la France de répondre, au mieux, au regain d’intérêt manifesté pour l’énergie nucléaire au plan mondial, et non de procéder à un arbitrage entre EDF et AREVA ou encore, comme beaucoup l’imaginent, entre leurs deux présidents !

Un point d’histoire pour commencer : c’est au milieu des années 70, que les premiers grands programmes nucléaires d’EDF ont été lancés, que la structure de Framatome a été adaptée pour assurer la construction d’un important programme de réacteurs et que Cogema a été créé pour mettre en place l’industrie du combustible nucléaire dont le pays allait avoir besoin.

C’est à la même époque qu’ont été fixés les principes et règles devant régir la coopération entre ces trois entités : EDF architecte-industriel, maître d’ouvrage et maître d’œuvre de la réalisation des centrales, Framatome partenaire exclusif d’EDF pour la fourniture de la partie réacteur, en liaison avec le CEA pour la R&D, et Cogema fournisseur préférentiel pour l’uranium, l’enrichissement, et le traitement du combustible usé, la fabrication du combustible neuf relevant de Framatome.

Avec le temps, et sans que l’Etat intervienne entre les partenaires ou même joue pleinement son rôle d’arbitre quand le contexte l’exigeait, les choses, comme le contexte industriel, ont progressivement évolué en trente et quelques années : volonté d’EDF de diversifier ses fournisseurs, entraînant la volonté de ceux-ci de rechercher des marchés à l’export, puis enfin arrêt de la construction de nouveaux réacteurs en France.

Après avoir été écarté par l’électricien finlandais de la réalisation, à Olkiluoto, du prototype de l’EPR, EDF tardait à lancer la réalisation en France d’un 1er EPR pourtant bien nécessaire, comme on le constate de plus en plus chaque année, et conforme aux préconisations des principaux électriciens européens dont EDF. Enfin par son refus d’intervenir dans l’équipe allant défendre l’EPR dans les Emirats Arabes Unis, EDF a semblé abandonner son rôle de leader naturel de l’équipe de France de l’électronucléaire pour l’exportation des technologies et services français.

Pendant toutes ces années, EDF et Areva sont cependant restés liés de façon très importante, puisque EDF reste le principal client du groupe Areva et celui-ci le principal fournisseur d’EDF, mais la communauté d’intérêt qui prévalait il y a 30 ans est un lointain souvenir, ce qui, à l’évidence, a été préjudiciable à tous en terme d’image comme d’efficacité.

Que découle-t-il du Conseil du 27 juillet ?

D’autres décisions / orientations sont évoquées qui nécessitent des études préalables :

Il n’y a pas un mot dans les décisions annoncées des prétentions, au demeurant légitimes, de GDF Suez d’intervenir en France dans le domaine nucléaire. Il n’y a aucune allusion, non plus, à la proposition du rapport ‘Roussely’ quant au souhait de l’industrie de voir l’Etat ne pas abandonner son rôle régalien en matière de sûreté comme il le fait devant une Autorité de Sûreté indépendante (souhait d’un équilibre/contrepoids de l’ASN), souhait bien compréhensible mais politiquement incorrect et combien difficile à défendre !

En définitive, les décisions principales constituent des clarifications tout à fait bienvenues, absolument pas révolutionnaires puisqu’il s’agit de retrouver les anciens fondamentaux en les adaptant à un monde qui a beaucoup évolué en raison du développement important du marché nucléaire et de son internationalisation. La mise en œuvre de ces décisions doit redonner au système une nouvelle dynamique et permettre qu’ensemble, dans une alliance gagnant/gagnant, EDF et Areva, retrouvent un jeu d’équipe et le sens de l’intérêt commun, c'est-à-dire celui du pays. Ceci est tout à fait nécessaire mais à l’évidence pas facile à réaliser, après des années de chacun pour soi.

Bernard Lenail

Ceux de nos lecteurs désireux de prendre connaissance de la synthèse du rapport ‘Roussely’, (seule la synthèse a été publiée) la trouveront ici.